LES CONSTRUCTIONS
Le travail topographique sur Beaumont, placé à la fin de ce volume et dû à la plume de M. Rigot, rend superflu l'étude du plan de la ville, dont les dispositions sont si conformes à celles adoptées pour les bastides Cependant, puisque cette publication est surtout un recueil de documents, la description de Beaumont, telle qu'on la trouve en tête d'anciens cadastres ou terriers, peut prendre place ici. On lit, dans celui de 1662 : Étant experts Bernard de Bressoles et Jean de Loubet, et Pierre Bussière, tiers-expert, nommé par son Altesse le prince de Condé : « Nous aurions parcouru, par plusieurs et diverses fois, la dite ville, et après l'avoir bien considérée en toutes ses circonstances, nous l'aurions trouvée composée d' une belle place ou garlande (Garlande signifie couronne en roman : il est probable que par ce mot on aura voulu désigner l'ensemble des couvertes formant « une couronne. »), avec une grande halle au milieu, à laquelle place et halle, comme a leur centre, vont aboutir les quatre principales rues appelées de Saint-Jacques, de Launac, de l'Eglise et de Gimont, et toutes quatre sortantes chasqune de l'autre extrémité par une porte de ville; après lesquelles principales rues nous en aurions trouvé quatre, autres appelées de Larrazet, de Pintois, de Lectoure et de Lafont, qui répondent aussi à la dite place, mais qui, pourtant, n'ont pas cet avantage des portes de ville que les quatre précédentes; après nous aurions suivi le restant de la dite ville, rue par rue, et trouvé, tant dans la dite place que rues, plusieurs maisons assorties de basse-cours, jardins et patus, et tout l'enclos de ladite ville faire le nombre de quatorze mille six cens quatre vingt deux escats un tiers et un huitième d'escat, suivant ledit arpantement... (L'escat équivaut à 10 centiares.) »
Après les experts du XVIIe siècle, si l'archéologue parcourt à son tour les rues de Beaumont, il trouve encore les garlandes, couverts, arceaux ou cornières, disparus en. 1665 sur le haut de la place, conservés sur deux côtés. Quelques restes (Dans une délibération de 1744, la communauté se plaignant de sa pauvreté, dit que : « parmi les habitans les uns ont perdu leurs maisons par incendie, les autres par croulement. ») des maisons primitives indiquent que leur façade consiste en un mur plein au rez-de-chaussée, continué au premier et unique étage par des pans de bois, avec remplissage de terre ou de briques posées en ratelier. (L'hôtel-de-ville était « tout bâti en bois»)
Ces constructions, fréquentes dans notre région, qui était très boisée au moyen-âge, étaient. d'une grande simplicité.
Toutefois, dans la rue de Lectoure il existe encore, quoique réduite, une belle maison de ce genre, avec encorbellement aux étages supérieurs et une forte saillie de la toiture. L'ancienne maison de « M. l'archiprêtre », aujourd'hui presbytère, appartient au XVIe siècle et offre les mêmes dispositions.
De la maison où est né le célèbre Fermat, il reste du XVe siècle une façade intérieure, une tour carrée et son escalier de pierre. Des fenêtres à meneaux de pierre croisés existent également dans la rue de l'Eglise remontant au XVIe siècle.
Quelques hôtels du XVIIe siècle furent bâtis et décorés avec goût; les pièces principales étaient tendues de tapisseries de laine, les planchers à la française couverts de peintures. L'on peut citer les demeures des familles de Ruble, de Vergnes, de Lacosse, de Ceuilleurs, de Saint-Jean, de Marqué, etc.

La halle est remarquable par ses dimensions et sa charpente;.M. Rigot l'a décrite (Voir "La place publique ") rubrique topographie. - Nous pouvons ajouter aux renseignements fournis par M. Rigot, la note suivante au sujet des mesures
En 1747 « les mesures étaient au milieu de la place ; on proposa de les démolir et de les rétablir près du poids sur un seul rang, où l'on placera le sac poignérée, demi poignérée et demi livre pour le sel, et qu'on fera faire une fermeture à chaque mesure, avec une petite porte de fer sur le devant, et les dessus des mesures avec des planches de bois de chêne avec une barre de fer qui traversera lesdites mesures tant par-dessus que par-devant avec des cadenas. » (Délibération de 1747.) Le château du Roi. est détruit; il ne subsiste rien non plus de la maison abbatiale reconstruite, en empiétant sur les remparts (Voir page 10 du Cartulaire), vers 1500, par Louis de Narbonne, administrateur perpétuel de Grandselve. La façade toute en briques de la chapelle conventuelle des Clarisses offre le caractère du XVIIe siècle; la nef avait un lambris de bois peint; un retable considérable en bois sculpté occupait le fond du sanctuaire qui était carré, il a été transporté à l'église, où on le voit aujourd'hui dans la chapelle de saint François.
L'ancienne église des Pénitents bleus a conservé un portail en pierre-avec fronton et pilastre; elle ne remonte pas au delà de la fin du XVIe siècle.
Le couvent des Cordeliers vient d'être remanié; il avait jusqu'à présent gardé ses dispositions anciennes : vastes corridors lambrissés, un seul étage, la toiture supportée par des corniches soignées. Les constructions furent jugées assez vastes en I750, pour que les classes et le logement des professeurs du collège y fussent établis. Le Chapitre des Pères de la grande Observance y avait été tenu en septembre 1723. Le monastère d'ailleurs était dépourvu de ressources, et il fallut souvent que la ville vînt à son aide, en particulier pour construire, au XVIIIe siècle, le modeste clocher de son église. Cette église a disparu; elle avait été décorée de peintures sur lambris vers I71I, par un religieux de la maison réputé peintre; on peut juger de son talent par des planches portant encore des noms et des figures de Saints de l'ordre des Franciscains employés dans des réparations de toitures sous la halle (Ces fragments ont été utilisés de la sorte, après la démolition de la Chapelle des Cordeliers. La halle a eu souvent besoin d'être réparée; en I746 on dut faire des travaux pour empêcher sa chute complète. Des piliers avaient été refaits en 1704)

Le seul monument de Beaumont, offrant. un intérêt réel, est l'église, placée sous le vocable de Notre-Dame. Elle dut être commencée dès la fondation de la bastide et terminée dans le courant du XVIe siècle ; dont elle porte le caractère; le 1er Septembre 1326, le cardinal de Teste légua à l'oeuvre de l'église vingt florins.
« Item opere ecclesiæ de Bellomonte diocesis Montis Albani -vigenti florones ».
Le mot oeuvre, pris généralement dans le sens de Fabrique, paraît convenir ici à la construction. Par le même testament, les pauvres de Beaumont recevaient également vingt florins.
Comme la plupart de nos églises de briques, celle de Beaumont est pauvre de détails ; la sculpture ne se retrouve que sur quelques chapiteaux ou consoles, aux clés de voûte et dans l'ornementation du portail (Voir F. Pottier, Monuments historiques de Tarn-et-Garonne, page 7 imprimerie Forestié, 1876.).
Le plan est un parallélogramme allongé de 54 mètres 50 de longueur sur I7 mètres 7o de largeur; l'élévation de la voûte est de 21 mètres; le chevet est carré, suivant 1'usage adopté par la règle sévère de Saint-Bernard (Après celle de Citeaux on peut, autour de nous, signaler les églises de Belleperche, peut-être Grandselve et celle de Grenade, élevées par les Cisterciens.)
Quatre chapelles latérales s’ouvrent dans les deux travées du choeur; l'une d'elle, à droite, était en communication avec une sacristie (voir le plan) (Ce plan a été relevé par les élèves du Pensionnat Saint-Joseph de Beaumont.), aujourd'hui démolie. La nef est divisée en sept travées barlongues, ayant d'arc en arc une largeur variant de 6 mètres 50 à 8 mètres 50.
Dans la nef on a bâti, entre les contre-forts, du XVe ou XVIe siècle, une série de chapelles pour répondre à des fondations ou pour le service des confréries; celles de gauches sont peu profondes et sur plan réguliers.; celles de droite, au contraire, varient de forme, de profondeur et d'ouverture; le tableau, joint au plan indique quelques-uns des vocables, qui ont été souvent modifiés.
Au-dessous de chacun des arcs formerets s'ouvrent de longues fenêtres, plus courtes cependant dans les deux travées du choeur, par suite de l'élévation des premières chapelles. Un meneau les divise en deux baies trilobées, et le tympan est garni de trèfles et de quatre-feuilles.
Une rosace qui ajoure le chevet est formée des mêmes éléments décoratifs; elle surmonte, deux fenêtres à meneaux. Au-dessous d'elle une galerie, sur arc surbaissé, permet la circulation au niveau des voûtes des chapelles latérales; au-dessus des combles de celles-ci, des baies ouvertes sur la nef semblent comme un souvenir du triforium.
En observant les détails des chapelles absidales, le profil des nervures à tores, il est facile de se convaincre que la construction de l'église a commencé par elles. Celles de gauche sont munies de piscines à colonnettes, dont les bases ont des griffes et les chapiteaux des crochets; de plus, la porte qui donnait accès dans la sacristie est romane. Voilà bien la fin du XIIIe siècle, époque durant laquelle le Midi se débarrasse difficilement des traditions du roman cette transition amènera l'ogive rayonnante dans le reste de l'édifice.
Les arcs doubleaux, les arcs ogives et les arcs formerets sont prismatiques dans la nef; les piliers carrés ont peu de saillie et les angles sont abattus; seuls ceux du chevet et du choeur sont flanqués de colonnettes, dont les chapiteaux reçoivent des boudins membres de l'arc triomphal.
A l'extérieur, cette grande église est d'un aspect imposant. On l'aperçoit de loin, dominant la ville, dont elle semble abriter les habitants : au besoin elle pourrait les défendre; des arcs jetés d'un contrefort à l'autre, rappellent les larges machicoulis du palais des papes d'Avignon (il est vrai que du coté nord ils ne sont pas ouverts); un crénelage entoure la base du clocher; un chemin de ronde court au-dessus des murs et se continue devant la façade sur une galerie extérieure, portée à la naissance des pignons sur de faux machicoulis. Les quatre angles de l'édifice ont reçu des échauguettes, dont une surmonte la tourelle d'un escalier à vis, et les trois autres sont en encorbellement sur les contre-forts d'angle. Des baies cintrées, s’ouvrent sur le chemin de ronde en guise de créneaux.
On le voit, à Beaumont, comme cela se pratiquait si souvent au moyen âge, l'église était, en même temps que le lieu de la prière, un refuge suprême pouvant au besoin recevoir dans son enceinte toute la population chassée du reste de la Ville,. et la défense y était possible.
La façade est sobre et d'un bel aspect : pignon encadré par les deux échauguettes, galerie en saillie sur des consoles, deux fenêtres à meneaux, clocher à droite et dans le bas une porte de pierre se détachant en clair sur le fond sombre de la brique. Cette porte forme avant corps, cinq voussures se développent dans l'ébrasement; les tores des archivoltes sont à arête mousse; des colonettes à chapiteaux feuillagés ont la même forme. Une statue ornait, sous un dais, le centre du tympan aujourd'hui vide; deux murs obliques à arcature ogivées relient la partie avancée de la porte aux murs de la façade; trois gables à crochets couronnent le tout.
Deux portes latérales, ouvertes dans la travée qui précède le choeur, donnent de chaque côté accès dans un porche intérieur, voûté comme les chapelles.
Le clocher repose sur une base octogonale, soutenue. par des contreforts à redents multiples, que relient de hautes arcatures aveugles, et surmontée d'une galerie crénelée.
La tour ou beffroi offre quatre étages; la pierre se mêle à la brique pour l'ornementation; le premier étage n'a point de colonnettes : une seule baie, en plein cintre, s'ouvre sur chaque pan, avec remplissage de briques ajouré de deux étroites ouvertures et d'un oculus; au second étage, des baies jumelles en mitre ont un oculus losangé; le troisième étage présente la même disposition, avec des arcs ogives et un quatre-feuille au tympan; enfin, dans l'étage supérieur l'on retrouve l'ogive à mitre, encadrée de gables à crochet. Des colonnes à anneaux garnissent les angles des derniers étages.
Une galerie, refaite, entoure la flèche, qui a perdu son ancien fleuron.
Plus que l'église, le clocher a eu à subir des restaurations, notamment en 1688 et en 1722 ; il est facile de retrouver, en étudiant sa construction, les nombreuses atteintes qui lui ont été infligées par le temps et les hommes. Tel qu'il est actuellement, c'est le plus beau de tous ceux que possède le département, et son importance justifie pleinement son classement parmi les monuments historiques.
On peut le rattacher à l'école toulousaine, qui a donné comme type le clocher de Saint-Sernin et celui des Jacobins. Le mobilier de l'église a été trop souvent renouvelé pour offrir une valeur archéologique : toutefois les stalles sont remarquables; elles proviennent de Grandselve et appartiennent au XVIIe siècle; les fonts baptismaux ont été cités plus haut; quelques tableaux et un rétable franciscain méritent une mention, ainsi que l'ancien tabernacle du maître-autel, en bois sculpté et doré, placé aujourd'hui sur l'autel de la chapelle de Saint-Eloi. Citons également le meuble de la sacristie et un confessionnal.
L'église de Beaumont contient un monument qui ne peut être passé sous silence : c'est le ciborium élevé en I706 sur le maître-autel par l'archiprêtre Loume, et désigné alors sous le nom impropre de rétable. Six colonnes supportent un baldaquin, dans le goût Italien, tout peuplé de figures, et sous la voûte duquel, en souvenir, sans doute, des mystères représentés dans nos églises, une Sainte-Vierge, soutenue par des anges, figure l'Assomption, vocable de la paroisse. Ce ciborium doit être conservé; sans doute il n'est pas dans le style de l'église, mais sommes-nous encore assez ignorants et irrespectueux du passé, pour détruire systématiquement tout ce qui n'est point né avec un édifice, tous les témoins de la piété des fidèles, oeuvres d'art qui font de nos églises des musées chrétiens, en même temps que des temples. A Beaumont, le ciborium répond aux prescriptions liturgiques; de plus, placé au-dessus de la sainte Réserve, il corrige, par le mouvement de sa silhouette élégante, la raideur du chevet carré.
Les églises, on le sait ont souvent servi de sépulture pour certaines familles privilégiées, ou des personnages de marque : dès I336, un bourgeois de Beaumont put reposer, après sa mort, dans une des chapelles du chevet terminé; une pierre tombale, gravée à son effigie, a couvert sa sépulture.
Sous une arcature trilobée il a les mains jointes, vêtu d'une robe et d’un manteau retenu sur l'épaule gauche par trois boutons; ses pieds reposent sur un chien; la tête est belle d'expression, le visage est encadré par de longs cheveux et par une barbe fournie. Au dessus, un ange reçoit l'âme, qui semble sortir du cerveau, représentée par un corps informe.
On lit autour l'inscription suivante, en lettres onciales :
ANNO : DOMINI : M : CCC : XXXVI : DIE : MERCURII : ANTE : FESTUM : BI : LUCE : EVANGELISTE : OBIIT : MARTINU : RASSI : CUI : AIA : REQVIESCAT : IN : PACE : AMEN.
Des travaux récents, exécutés dans l'église, ont amené la découverte d'une autre dalle funéraire portant des écussons.