SES CORRESPONDANCES
LES LETTRES ENTRE SAVANTS
Au XVIIème siècle, les mathématiciens avaient pour habitude de se lancer des défis. Tels des héros, ils se mesuraient sur le champ clos des mathématiques, affrontements moins dangereux que les duels.
LA CORRESPONDANCE ENTRE SAVANTS
Au XVIIème siècle, la science n’est pas encore organisée. Il faudra attendre 1665 pour que naisse le premier périodique dans lequel les savants pourront publier leurs découvertes, il s'agit du Journal des Savants et 1666 pour que l'Académie des sciences soit créée. Aussi, pour échanger leurs idées et communiquer les savants utilisaient la correspondance. Le Père Mersenne jouait le rôle de centralisateur, il faisait recopier les travaux des savants par les moinillons de son couvent et les envoyait aux beaux esprits de toute l'Europe. Mersenne, c'était un peu comme l'Internet du XVIIème siècle.
Fermat a échangé des lettres avec les esprits les plus éclairés de son temps : Pascal, Descartes, Frenicle, Roberval... Il a échangé entre 1636 et 1665, une correspondance composée de 150 lettres répertoriées, constituées de défis, d'énigmes, de problèmes qui ont fait réfléchir toute l’Europe. Fermat aimait ce climat de stimulations et d’émulations que faisait naître la correspondance entre savants.
LES DÉFIS MATHÉMATIQUES
Le 3 Janvier 1657, Fermat pose aux savants des questions d'arithmétique dont voici un exemple : "On demande un nombre carré qui, ajouté à la somme de ses parties aliquotes (c'est à dire de ses diviseurs), fasse un cube". Et de conclure fièrement:
"J'attends la solution de ces questions ; si elle n'est fournie ni par l'Angleterre, ni par la Gaule Belgique ou Celtique, elle le sera par la Narbonnaise."
L’Angleterre, c’était Digby, philosophe, chimiste et mathématicien, le vicomte de Brouncker, enfin et surtout John Wallis. La Gaule Belgique, c’était Van Schooten, la Gaule Celtique, Frenicle et la Gaule Narbonnaise, Fermat lui-même.
Ce défi fut très mal pris par Wallis qui écrivit à Digby « Votre très noble correspondant a pris plaisir à provoquer en champ clos non pas un ou deux mathématiciens du commun, mais et l’Angleterre tout entière, et la Belgique et le reste de la Gaule sauf la Narbonnaise ; il ne trouvera pas mauvais, je crois, que nous lui rendions la pareille, et cela, non pas sur une bagatelle… S’il résout légitimement cette question, je promets en retour un enjeu assez précieux : la quadrature de l'hyperbole. Et si la Gaule ne le peut, ce sera fourni à quelque jour par l'Angleterre, grâce à la faveur divine .»
LES RELATIONS ENTRE SAVANTS
Pierre Gassendi (1592-1651) à Monsieur de *** (parlant de Fermat)
Il serait superflu de vous dire combien je suis satisfait, puisque comme vous le savez mieux que tout autre, rien ne peut partir d'une telle main qui ne soit parfait en tout point".
Le 4 avril 1637, Gilles Personne de Roberval (1602-1675) à Fermat
Monsieur,
Quoique j'eusse reçu dès le lundi dernier votre démonstration du lieu plan, néanmoins mes occupations, tant publiques que particulières, ne me permirent point de la considérer jusqu'à jeudi que je la présentai de votre part à l'assemblée de nos mathématiciens qui était, ce jour là, chez M. de Montholon, conseiller, où elle fut reçue, considérée, admirée avec étonnement des esprits et votre nom élevé jusqu'au ciel.
Avril 1638, Roberval contre Descartes
"Quand Monsieur Descartes aura bien entendu la Méthode de Monsieur de Fermat De Maximis et minimis, et de inventione tangentium linearum curvarum, alors il cessera d'admirer que cette Méthode ait trouvé des défenseurs, et admirera la Méthode mesme, qui est excellente et digne de son auteur".
Août 1640, Roberval à Fermat
Encore que depuis près de trois ans je n'aie eu le plaisir d'avoir commerce avec vous, je n'ai pourtant pas été privé entièrement du plaisir que je reçois de vos spéculations mathématiques, car le Père Mersenne m'a fait la faveur de me communiquer la plupart des lettres qu'il a reçues de vous".
Août 1641, Frenicle de Bessy (1605-1675) à Fermat
J'étais dans l'impatience de savoir votre retour à Toulouse, pour me donner l'honneur et le contentement de continuer nos conférences...
Marin Mersenne, moine minime (1588-1648)
"Le père Marin Mersenne a toujours prôné les échanges d'idées qui font, disait-il, progresser plus rapidement la science. Il regroupait régulièrement des savants autour de lui et fut en relation épistolaire avec les plus grands noms d'Europe. Il eut donc une part très importante dans la diffusion des idées nouvelles."
Marin Mersenne préface à l'Harmonie universelle.
"Or si je voulais parler des hommes de grande naissance ou qualité, qui se plaisent tellement en cette partie des mathématiques qu'on ne saurait peut-être leur rien enseigner, je répèterais le nom de celui à qui le Livre de l'Orgue est dédié (Etienne Pascal) et ajouterais Monsieur Fermat, Conseiller au Parlement de Toulouse".
Blaise Pascal (1623-1662), fils d'Etienne (1588-1651)
Pascal à Fermat, juillet 1654. Je ne vous dis pas ce que j'ai le plus sur le coeur, qui est que, plus je vous connais plus je vous admire et vous honore".
Pascal à Fermat, août 1660 après la proposition de Fermat d'une rencontre à mi-chemin entre Clermont et Toulouse.
"Je vous dirais donc, Monsieur, que si j'étais en santé, je serais volé à Toulouse et que je n'aurais pas souffert qu'un homme comme vous eût fait un pas pour un homme comme moi. Je vous dirai aussi que, quoique vous soyez celui de toute l'Europe que je tiens pour le plus grand géomètre, ce ne serait pas cette qualité-là qui m'aurait attiré, mais que je me figure tant d'esprit et d'honnêteté en votre conversation que c'est pour cela que je vous rechercherais..."
Le 22 septembre 1637, Fermat répond ainsi à un courrier de Mersenne : "Vous me demandez mon jugement sur le Traité de Dioptrique de M. Descartes. Voilà mon sentiment sur ces nouvelles propositions, dont les conséquences qu'il en tire, lorsqu'il traite de la figure que doivent avoir les lunettes, sont si belles, que je souhaiterais que les fondements sur lesquels elles sont établies fussent mieux prouvés qu'ils ne sont pas ; mais j'appréhende que la vérité leur manque aussi bien que la preuve."
Lettre du 18 octobre 1640 adressée par Pierre Fermat à Frénicle de Bessy :
Je vous avoue tout net (car par avance je vous avertis que je ne suis pas capable de m'attribuer plus que je ne sais, je dis avec la même franchise ce que je ne sais pas) que je n'ai pu encore démontrer... cette belle proposition que je vous ai envoyée... Si vous en aviez la preuve assurée, vous m'obligeriez de me la communiquer car, après cela, rien ne m'arrêtera en ces matières."
Janvier 1662, Fermat à Cureau de la Chambre (1594-1669)
"Monsieur,
Il est juste de vous obéir et de terminer enfin par votre entremise le vieux démêlé qui a été depuis si longtemps entre M. Descartes et moi sur le sujet de la réfraction, et peut-être serai-je assez heureux pour vous proposer une paix que vous trouverez avantageuse à tous les deux partis (...) J'ai trouvé que mon principe donnait justement et précisément la même proportion que M. Descartes a établie... Je lui cède donc la victoire et le champ de bataille, et je me contente que M. Clerselier me laisse entrer du moins dans la société de la preuve de cette vérité si importante, et qui doit produire des conséquences si admirables."
Descartes à Mersenne, juin 1636
Je trouve plaisant que, de quatre questions, n'y en ayant qu'une qu'il résout à peine en donnant un nombre qui y satisfait, il ne laisse pas de faire des bravades sur ce sujet, disant qu'il ne se contente pas de résoudre ces questions à la mode de Monsieur de Sainte-Croix, etc. et en propose une autre toute semblable et même qui est bien plus aisée.
Descartes à Mersenne, octobre 1637
Le défaut que Monsieur Fermat trouve en ma démonstration (sur la réfraction) n'est qu'imaginaire et montre assez qu'il n'a regardé mon traité que de travers."
A propos de Fermat : Descartes à Mersenne, lundi 18 janvier 1638
"Si cet auteur s'est étonné de ce que je n'ai point mis de telles règles en ma géométrie, j'ai beaucoup plus de raison de m'étonner de ce qu'il a voulu entrer en lice avec de si mauvaises armes. Mais je lui veux bien encore donner le temps de remonter à cheval et de prendre toutes les meilleures qu'il eût pu choisir pour ce combat."
Descartes à Mersenne, 29 juin 1638
"J'ai vu ce qu'il vous a plu de me communiquer des lettres que Monsieur de Fermat vous a écrites ; et premièrement pour ce qu'il dit avoir trouvé des paroles plus aigres en mon premier papier qu'il n'en avait attendu, je le supplie très humblement de m'excuser, et de penser que je ne le connaissais point."
Descartes à Fermat, octobre 1638
Je pense être obligé de vous avouer ici franchement que je n'ai jamais connu personne qui m'ait fait paraître qu'il sût tant que vous en géométrie... Mais, comme on remarque plus soigneusement les petites pailles des diamants que les plus grandes taches des pierres communes, ainsi j'ai cru devoir regarder de plus près à ce qui venait de votre part que s'il fût venu d'une personne moins estimée...
EN HOLLANDE
Pierre de Carcavi à Huygens, juin 1656
Pour quantités de plusieurs autres belles spéculations que nous avons vues de lui... c'est un des plus grands génies de son siècle".
EN ANGLETERRE
Le Chevalier Digby (1612-1677) à Fermat
"Au lieu de vous laisser passer le titre de paresseux que vous vous donnez injustement, j'admire infiniment la facilité et la présence avec laquelle, au milieu de vos grandes occupations, vous exprimez sur le champ vos profondeurs et subtiles pensées. Je vous prie de croire que j'honore vos rares talents..."
Premières lignes de "l'Inventum Novum" par le Révérend Père Jacques de Billy
Savant lecteur,
Il suffit qu'en tête de cet Ouvrage apparaisse le nom de Fermat, pour que vous attendiez quelque chose de grand : un tel homme n'a rien pu imaginer qui soit petit, rien même qui soit médiocre ; son esprit était illuminé de tant de clartés qu'il ne souffrait rien d'obscur."
Pierre Saporta à Fermat, 1664
[Vous êtes] ... "Celui que les plus grands mathématiciens, je ne dis pas de la France seulement mais aussi de toute l'Europe, admirent, et vénèrent d'une façon toute particulière. Lorsqu'ils ont des difficultés dans ces sciences abstruses, ils recourent à vous, Monsieur, comme à l'Oracle qui dissipe en un moment les ténèbres qui les enveloppaient auparavant."
Correspondants Italiens de Fermat :
Galilée 1564-1642
Cavalieri 1598-1697
Michelangelo Ricci 1619-1682
Torricelli 1608-1647
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